Si on définissait un grand film par sa capacité à éclairer des situations survenant plusieurs années après, Take shelter (A l’abri) en ferait assurément partie. Ainsi, alors que les angoisses de Curtis, son personnage principal, se focalisent sur l’imminence d’une catastrophe climatique dans l’Ohio, le confinement dans un abri lui parait la seule solution. 

Neuf ans après la sortie du film, la réalité rejoint la fiction, même si la crise climatique s’est indirectement manifestée par l’irruption d’un virus. Notre action sur la nature se retourne contre nous, pas seulement sous forme du réchauffement, mais aussi avec la plus grande fréquence d’évènements climatiques hors norme (tempêtes etc..) et par l’apparition de zoonoses (des transmissions d’agents infectieux entre animal et homme favorisées par des ruptures de barrière entre les milieux sauvages et l’habitat humain). 

Jusque là, Take shelter ne serait qu’un des nombreux films à avoir anticipé le dérèglement de la nature. Mais si ce film mérite d’être revu c’est pour le lien qu’il fait entre les désordres environnementaux et ceux qui surviennent dans la psyché de Curtis. Digne élève de Terence Mallick, son mentor, Jeff Nichols dose très bien les éléments de cette translation. La tentation de l’abri, du confinement (quand on en arrive là c’est quand même que quelque chose nous a échappé bien avant), l’influence dans sa vie réelle qu’ont chacun des cauchemards de Curtis n’en sont que quelques exemples.

C’est finalement sur la paranoïa de Curtis, métaphore psychique du complotisme sociétal, que ce film nous donne à réfléchir.

Voilà ce qui nous parle d’aujourd’hui. J’identifiais dans un autre article le déni climatique comme relevant d’une névrose sociétale chez certains (ils savent que la nature est en danger mais ne changent pas pour autant leurs comportements), de pyschose pour d’autres (climatosceptiques, complotistes). Ce film, que je n’avais pas vu à l’époque, ne dit pas autre chose. A un retournement de psychose près.